Dans le ciel de Gaza



Pendant ce temps, dans le ciel de Gaza, des hommes jeunes prennent le large, un ample sourire accroché à leurs lèvres bleues. Les garçons, encore fraîchement bombardés de la veille, un voile de poussière couvrant le doux hâle de leur peau, n’ont cure des violences d’autrui et, moitié nus, sautent et trépident, virevoltent et s’accrochent aux nuages hiératiques, aux rayons nerveux du soleil, à la placidité des étoiles et au croissant compatissant de la lune. Ils sourient et rient et éclatent d’une joie non feinte de voir que l’univers ainsi aime à les accompagner. Dans la paume du monde. Ils sont ses anges et rebondissent, allègres, sur des pneus éculés enfouis dans le sable, sur des sacs de gravats sauvés des barricades, sur de vieux matelas excavés des décombres. Les hommes leur ont tourné le dos, mais ils cabriolent, ravis de voir que le cosmos les embrasse de sa divine tendresse. Dans le ciel bariolé de Gaza, les garçons savent que, au contraire d’une frange de l’humanité, le monde leur accorde sa bénédiction. Ils sont les élus de la grâce. Les démons qui les tourmentent sont traversés d’une rage violette de leur voir encore et toujours, malgré la basse intensité de leur guerre d’usure, revêtir une beauté ancienne et noble. Et les jouvenceaux de rire plus encore devant tant de vaine haine.

Lucifer sait où se fait le mal

les feddayin chantent et tirent une salve d’honneur

Hiérophante ouvre une bouteille d’arak

jaillit un djinn bleuté et anisé


(extrait de Philippe Guiguet Bologne - Ce qui nous restera - Cheminement II - Fragments de Tanger et d'ailleurs, Scribest 2019 - Le livre est disponible aux librairies des Colonnes, les Insolites et Conil à Tanger, ou à commander en cliquant sur https://www.scribest.fr/article-214-ce-qui-nous-restera. Image des jeunes de Gaza pratiquant le parkour, par Reuters )

Commentaires

Articles les plus consultés