Le faune



Le faune, saisi par von Gloeden, minaude à faire le jeune homme assis face à la mer, aux pieds trop grands, la taille trop fine, le cheveu épais mal peigné. On reconnaît en lui un accent de la pauvreté méditerranéenne, de poussière et de guingois, de brûlures et de faims matinales assouvies par la pêche de midi. Un boitement profondément humain. Il semble tant s’ennuyer, quand un autre satyre, dodu celui-là, les boucles de ses cheveux hérissés en forme de cornes, fait son entrée sur les rochers accablés de chaleur. On sent qu’il a du plaisir à participer aux activités du vieux baron. Sa sensualité de garçon de ferme ou de fille à soldats est faite de robustesse et de gravité loyale. De faire ainsi la figurine antique dénudée le laisse cependant inquiet. Il préférerait parcourir les champs avec son troupeau et aimerait se protéger de la chaleur sous un olivier. La mer si proche, massive et lourde, le préoccupe, lui qui n’a jamais su nager. Mais le vieil Allemand est ferme et ses faunes doivent le suivre et le servir partout où il ira. Sommes-nous réellement à Taormine ? Rien n’est moins sûr…

(extrait de mon livre-poème Je n'étais pas là (Cheminement I - Fragments et débris), éditions Al Manar, Paris 2017 - www.editmanar.com )

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