Dresser son ombre
« La fille d’un potier qui s’appelait Dibutadès vivait
à Corinthe où elle aimait un jeune homme qui était extrêmement beau. Il dut
partir à la guerre. Lors de la dernière nuit qu’ils passèrent ensemble elle ne
l’étreignit pas. Elle ne l’embrassa même pas. Elle éleva dans sa main gauche
une lampe à huile. Elle prit dans sa main droite une braise éteinte dans le
brasero. Elle s’approcha de lui. Elle ne caressa pas le volume de son corps qui
pourtant marquait son désir. Avec le morceau de charbon elle préféra délimiter
le pourtour de son ombre sur la surface du mur qui se dressait derrière lui.
Pascal Quignard, La
barque silencieuse (Seuil, 2009, p. 226)
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