Je n'étais pas là (extrait IV)


Chaussé de sa couronne d’épines, Jawad pénètre une nuit emplie de chimères. Les bas-côtés du monde tanguent au rythme des eaux de vie. Il sourit. Les yeux fermés sur lui-même. La nuit illumine la blancheur de sa peau. La nuit l’entoure et le porte. Il est maintenant ce gouffre qui l’absorbe mais ne l’effraie plus. Jawad se soulève et marche droit, va son chemin.

Puis l’Oint prit un flacon
Serra le corps sans vie dans ses bras
Nudité glacée
Applique son pouce huilé sur le front
Ramène le souffle où régnait l’ombre
                                                                      
There’s a killer on the road

Un ange prognathe fait à ce moment-là une entrée dans le récit pour y mettre un bordel indicible. Il a le sens du verbe vert et fruité. Un ange de couleur, comme on dit là-haut.

His brain is squirmin’ like a toad

Il faudrait enfin, en une formule, trouver le moyen d’exprimer cette stupéfaction quand soudain nous réalisons que chaque seconde de notre vie qui va venir est totalement soumise au plus absolu des aléatoires. Mais préfèrerait-on un mektoub plein de chergui, de sensualité et de certitudes ?

Riders on the storm

Planté dans le bleu estompé de la mer, dans son maillot rouge sang, sa peau diaphane s’effaçant dans l’écume et le lointain brumeux, il arbore son air incertain qui dénonce sa peur d’être ici, là et maintenant.

Il défie. Sa façon de défi.

Mutisme.

Les vagues sont lasses et d’ennui se laissent fondre dans le sable docile

Des brumes de chaleur

Le détroit s’évapore

There’s a killer on the road

A gratter dans ce désastre et récolter

Glaneurs de morts et de ruines et d’espoirs

S’emplir la gorge de haine

Les vociférations sont prières

Sur le suaire, un reste de sourire. Cynique presque. Quelle énergie !

(extrait de mon livre-poème Je n'étais pas là (Cheminement I - Fragments et débris), éditions Al Manar, Paris 2017. Dessin de Mounat Charrat)



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