Hamza



Hamza nage dans la piscine de l’hôtel El Minzah. Il veut sortir de l’eau. Un sourire pulpeux jusqu’à l’indécence barre son visage d’innocence. Il tend les bras, son buste remonte au-dessus du bord du bassin qu’une jambe franchit, pour amener l’autre à la suivre ; il s’accroupit, dégoulinant d’une doucereuse odeur de chlore et de jeunesse. Le voilà debout, riant comme dans un spasme, tremblant, sec et noueux et habillé du miroitement des mille gouttelettes qui glissent sur le mat un peu bleu de sa peau grenée, d'un goût de salive, toute chair tendue dans un froid glacé arraisonné par le soleil franc et contondant de midi…

Une percée sur la baie

Haie de vieux pélargoniums

Là où j’habite…

Le portrait d’un jeune Gazaoui, épais traits tracés au crayon gras d’une façon vaguement naïve. On pressent le jeune homme mécanicien ou tôlier, un métier de corps et de face à face avec une machine ; il en a le port altier et la certitude de pouvoir réduire l’animal de métal à ses désirs. Il en a la modestie aussi. Une paire de lunettes d’aviateur posée sur son front lui confère une dimension d’aventurier, héroïque déjà, et fanfaron très certainement. Un tee-shirt copié de la maison Armani et d’une piètre qualité réduit un peu, hélas, son charisme à la possibilité d’un plagiat, à la soudaine distance du doute. Étrangement, très étrangement, cet argonaute du bout du monde enfermé dans un ghetto de fer et de feu, où survivre veut dire sourire aux bombes, étrangement cet homme libre et à genoux cependant ressemble à Hamza, lui-même allongé dans l’ombre d’un acacia et rêvant les paupières ouvertes, dans le bercement du bruit rassurant et familier et luxueux de l’eau brassée dans la piscine de l’hôtel El Minzah. Un trait de l’universalité de l’humain traverse les deux jeunes hommes avec la même évidence…



(extrait de mon livre-poème Je n'étais pas là (Cheminement I - Fragments et débris), éditions Al Manar, Paris 2017.

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