... qui leur reste en travers de ce qu’ils sont
En somme je finirai par dire que
le poème est une machine qui me sert à voir que je tourne en rond dans mes
propres questions. Des questions émerveillées ou inquiètes. Et le poème ne les
pose pas mieux que n’importe quel paysage ni moins intensément que mon corps
étonné.
Des savants répondent à toute
cette opacité du monde, par des explications qui semblent y éveiller des
potentialités qu’ils ne soupçonnaient pas tout d’abord : on a l’impression
à cause de leurs travaux et de leur intelligence d’une continuelle extension de
ce monde (pourrait-on pas se demander cependant si ce n’est pas le monde lui-même qui se rejoue,
visible autrement du coup, en leurs méninges et capacités manuelles (ça ne
serait que juste de joindre aux savants le tisserand et le potier, entre autres) ?
Les gens d’action eux, leur histoire après coup nous le montre bien, ne sont
que des jouets prétentieux de ce monde et leurs gestes grandiloquents ne font
qu’en aviver le noir et la clarté. Les sages et les saints (ceux qui ne se
croient ni sages ni saints) finissent peut-être par vivre comme des arbres
fragiles (ou comme de rudes cailloux) dans le paysage.
Et puis ces autres gens qui
écrivent, ou qui peignent, qui font des musiques… touchent-ils vraiment le
monde avec leur corps, mais sans pour autant s’y perdre dans un grand
contentement de vie ? À cause d’une question sans réponse qui
leur reste en travers de ce qu’ils sont ?
James Sacré, Broussaille de prose et de vers (où se trouve pris le mot paysage), Editions Obsidiane
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