Ça va quoi me dire ?




" Si le sujet de ces pages c’est de s’interroger sur ce qui fait qu’un poème est un poème, est-il intéressant vraiment de penser à la route qu’on vient de parcourir, depuis Taroudant jusqu’à Tata ? D’ailleurs j’oublie forcément beaucoup de ce que j’ai pu voir, et même en m’en tenant au souvenir de moments que j’ai eu le sentiment d’être à des endroits où j’aurais pu rester longtemps, assis peut-être à une table de café, ou juste accroupi contre un mur au bord de nulle part, ou maintenant ici à la terrasse d’un hôtel, à Tata, un peu en surplomb de la route passablement bruyante (bruits de voitures et camions, un tracteur, des mobylettes qui peinent dans la côte, mais le léger piétinement d’un âne aussi, attelé à une petite charrette juste un plateau de planche et l’homme assis sur un côté) tout ça quel intérêt, ça va quoi me dire à propos de la poésie ?
C’est vrai, je ne sais pas trop de quoi je parle dans ces pages, et pas même de quoi je voudrais parler. Et puis je soupçonne depuis longtemps qu’écrire (en tout cas écrire ces livres que je qualifie de livres de poèmes) est activité de pas grand-chose, sans doute assez vaine et vouée à plus ou moins longue échéance à la disparition ; tout le mystère de cette occupation réside seulement, je suppose, dans le fait qu’on la continue, et plutôt qu’un mystère c’est bien possible que ça soit qu’un peu de ma bêtise qui s’y manifeste."


James Sacré, Broussaille de prose et de vers (où se trouve pris le mot paysage), Editions Obsidiane

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