De bris et de rebuts
"… les mots ne servent… le vertige le prend de tout ce qu’il a entendu et qu’il ne faudra pas traduire… en d’autres mots plus vains plus inutiles… se recueillir encore avec ce geste tant d’humilité que de totale disponibilité… vacance absolue comme on se rend à son bourreau… d’une main posée sur une main posée sur la table… dans la chambre de la mère il faut grimper sur des gravats… étourdi par le poids de tant d’histoires de vies entremêlées sans sens aucun sous les décombres… gravir encore des marches et des échelles à n’en plus finir pour tenter d’échapper à ces tombereaux de mémoire… vacillants sur des chemins de terre qui transportent lentement cahotant leurs condamnés dans un silence de mort jusqu’au gibet… le mutisme de la chambre de la mère qui n’a plus rien à dire sauf à répéter les mêmes rebuts et les mêmes tentatives et les mêmes sentiments chancelants de n’avoir su dire… autre que le silence… là où entreposer la substance d’un ouvrage entier à détruire raser disséminer… les grands fonds muets de matière fœtale… se retrancher dans les pensées… partant livré dans une charrette de misère et la foule inquiète qui ne dit ne regarde laisse le souffle du convoi effleurer… la ville la nuit connait le même silence étrange et inquiétant… efface tout soupçon de vie… règne prêt des barrières ocres des coraux… faire vœu et vaguer mutiques dans les grands fonds habités d’hommes aux peaux couleur de cendre… les yeux et les lèvres et les langues dévorés par les crabes les murènes des anémones voraces et quelques daurades repues… pitances de corps rebuts de rebuts ballant dans les courants… s’accrochent à l’orange des coraux…"
Extrait de nila (inédit). Image de Aurèle Andrew Benmejdoub.
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